Huchon : "Je ne lâcherai rien sur le Grand Paris Express"

Publié le par Observatoire Rémois du Bassin Parisien

 

Jean-Paul Huchon

 

INTERVIEW - Le président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, a réservé au JDD sa réaction sur la polémique autour du supermétro en rocade autour de Paris.

Le projet de métro automatique autour de Paris semble menacé : le gouvernement a refusé d’inscrire au budget 2013 le milliard d’euros attendu. Êtes-vous inquiet?
Je ne suis pas inquiet. Le Président de la République s’est clairement prononcé en faveur du Grand Paris Express. Et la ministre Cécile Duflot défend désormais ce dossier sans ambiguïté. Cependant, je suis mécontent : même si je ne doute pas que les financements seront finalement au rendez-vous, je pense qu’il aurait fallu donner sans attendre un signal favorable à la poursuite du projet. Je regrette que ce ne soit pas le cas. Certes, les temps sont à la rigueur mais on ne peut pas remettre en cause ce projet.

Imaginez-vous que le Grand Paris Express puisse ne jamais voir le jour?
C’est inimaginable, car il est fondamental pour notre avenir ; j’y mettrai toutes mes forces, je ne lâcherai rien! Je considère même que ce projet - conclu avec le gouvernement précédent après une longue bataille - est l’une des choses les plus importantes que j’ai faites depuis que je suis président de la Région. Ce futur réseau de transport permettra à des millions de personnes de se déplacer sans passer par Paris. Les voyageurs gagneront une demi-heure à trois-quarts d’heure sur leurs trajets quotidiens. A horizon 2020-2025, 90% des Franciliens habiteront à moins de deux kilomètre d’une gare. D’ailleurs, si on raisonne en termes de croissance, d’emploi, de développement économique…, le gouvernement a tout intérêt à concrétiser ce formidable chantier. Il le fera. Pas la peine de lancer une pétition.

Ce couac entraînera-t-il un retard important?
En ce qui concerne le Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) que je préside, on ne prendra aucun retard. Mercredi, nous présenterons le dossier d’enquête publique sur la ligne rouge, la plus urgente, de Pont de Sèvres à Noisy-Champ. Et nous voterons le lancement de la ligne orange, de Noisy-Champ-Champigny à Pleyel. Par ailleurs, le prolongement de la ligne 14 est déjà décidé par le Stif. Les premiers coups de pioche se feront rapidement.

La semaine dernière encore vous vous disiez confiant au sujet de ce fameux milliard
Ce qui m’agace dans cette affaire, ce n’est pas l’absence de ce milliard dans le budget 2013 - pour lancer les travaux avec les tunneliers on n’a pas besoin de cet argent avant 2015. Ce que je déplore, c’est qu’il n’ait pas été inscrit dans la programmation budgétaire 2013-2015. Du coup, je crains que les 500 millions d'euros de trésorerie de la Société du Grand Paris (SGP) ne soient utilisés que pour démarrer le chantier et pas, comme je le souhaite, pour accélérer le plan de mobilisation, c’est-à-dire la rénovation urgente des transports existants : les RER et les lignes de métro saturées, comme la 13. Ce chantier-là pourrait prendre du retard. Je demande donc au gouvernement que cette situation soit clarifiée rapidement, d’ici la fin de l’année.

Autre dossier important : le schéma directeur (Sdrif), qui doit être voté en séance plénière le 25 octobre, après des années d’atermoiement. A quoi ressemblera l’Ile-de-France en 2030?
D’abord, ces atermoiements ne peuvent pas m’être imputés. Regardez plutôt du côté des jacobins centralisateurs, MM Blanc et Sarkozy, Mme Pécresse…. qui ont refusé de valider notre schéma directeur voté en septembre 2008. Mais la situation a changé. En 2030, l’Ile-de-France aura créé 28.000 emplois par an ; construit 70.000 logements par an - dont 30% de logements sociaux - ; regagné plusieurs milliers d’hectares d’espaces verts ; rééquilibré l’est et l’ouest ; rénové l’ensemble du réseau de transport public, avec plus de 60 gares nouvelles, etc.

Le Sdrif prévoit 30.000 hectares urbanisables. N’est-ce pas incompatible avec la nécessité de protéger les terres agricoles, grignotées par l’inexorable étalement urbain?
Non, parce qu’on mise sur la densification et qu’on a prévu ce qu’on appelle des "fronts urbains intangibles", qui arrêtent l’urbanisation et protègent les terre cultivables. Par rapport au précédent Sdrif (1994), celui de 2013 va rendre inconstructibles, au profit de l’agriculture, 400 hectares de terrains par an. Cela va inverser la tendance.

Avec Bertrand Delanoë, vous réclamez au gouvernement la création d’une "autorité métropolitaine et régionale du logement". Qu’en attendez-vous?
C’est une révolution. Cette autorité pourrait mettre en commun les crédits - municipaux, intercommunaux, départementaux, régionaux, étatiques - pour chaque programme immobilier. Dotée d’un pouvoir coercitif, elle pourrait aussi gérer les sanctions appliquées aux communes qui refusent de construire, notamment des logements sociaux - jusqu’ici, les préfets n’ont pas été capables d’appliquer la loi SRU ; en Ile-de-France, la moitié des communes ne l’appliquent pas. Je pense qu’on va l’obtenir. Elle devrait figurer soit dans la deuxième loi logement que prépare Cécile Duflot, soit dans une prochaine loi de l’acte III de la décentralisation.

Vous revendiquez de nouvelles compétences pour la Région. N’est-il pas compliqué de parler de décentralisation au moment où l’Etat demande aux collectivités de se serrer la ceinture?
L’Etat met un frein à ses dotations, de l’ordre d’1% pour notre région. Bien sûr, ce n’est pas facile de faire des budgets dans ces conditions. Mais je ne me plains pas. Ce que je demande à l’Etat, avec force et insistance, c’est que les régions disposent d’un levier fiscal. Elles ne peuvent plus vivre sous perfusion des dotations de l’Etat. D’ailleurs, la loi de décentralisation doit nous transférer une autre compétence importante : le développement économique, avec la fameuse banque publique d’investissement que nous présiderons au niveau régional. J’en attends beaucoup.

Le 16 septembre, dans une interview au JDD, Valérie Pécresse lançait une charge contre votre "gestion dispendieuse". Selon l’ex-ministre UMP du Budget, "les effectifs de la région ont triplé en 14 ans, hors décentralisation"…
Outre que ses chiffres sont faux ou biaisés, Mme Pécresse a mal choisi son angle d’attaque : l’Ile-de-France a le ratio de fonctionnaires le plus faible de toutes les régions de France ; nos dépenses de personnel ne dépassent pas 31 euros par habitant, alors que la moyenne est autour de 45 euros. Notre réputation de bonne gestion vient même d’être réaffirmée par l’agence Fitch qui nous gratifie de la meilleure note possible pour une collectivité. En fait, la droite ne s’est toujours pas remise de sa lourde défaite aux élections régionales de 2010. Mme Pécresse et ses amis sont dans l’aigreur et le dénigrement permanent, mais ils se gardent de faire des propositions. Je suis comme Diogène avec sa lanterne : je cherche désespérément une idée émanant de l’UMP, je n’en ai toujours pas trouvée.

Serez-vous candidat en 2015 pour un 4e mandat?
La question ne se pose pas aujourd’hui. Mais je sais que je veux absolument mettre le Grand Paris sur les rails. Je souhaite aussi m’impliquer fortement dans le pilotage de la banque d’investissement régionale.

Bertrand Delanoë a préparé sa succession à la mairie de Paris. Et vous, qui pourrait vous succéder à la Région?
Pour ça, je ne suis pas inquiet. Comme disait de Gaulle, ce qui est à redouter après moi, "ce n’est pas le vide politique, c’est plutôt le trop-plein".

Bertrand Gréco - Le Journal du Dimanche

samedi 06 octobre 2012

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