Les oubliés du Grand Paris : les quartiers sensibles du centre de Drancy
Situé au centre géographique de la commune, ce quartier de Drancy est un morceau d’histoire. Celui d’une promesse d’avenir d’abord. En 1931, la cité de la Muette sort de terre cernée entre pavillons et terrains agricoles. À l’époque, les cinq tours de quatorze étages qui surplombent les immeubles disposés en barre sont les “gratte-ciel” les plus hauts de France. C’est le fleuron de l’architecture française, le dispositif de construction est entièrement industrialisé. Les dalles de béton qui composent les murs sont construits à l’usine, puis acheminés jusqu’au lieu-dit La Muette. Totalement innovant dans les années trente, ce procédé sera repris par la plupart des quartiers de grands ensembles dans les années cinquante et soixante.
Mais l’innovation ne fait pas tout et la cité est boudée par les habitants qui la trouve mal insonorisée et mal isolée. La seconde guerre mondiale se chargera de la faire passer à la postérité. Occupée par les Allemands dès 1940 pour y héberger les prisonniers de guerre, elle servira de 1941 à 1944 de camp de concentration avant les déportations vers Auschwitz et Birkenau. 67 des 74.000 Juifs français déportés passent alors par ce camp…
Détruite en grande partie en 1976, le “U” restant est classé réalisation architecturale et urbanistique majeure du XXème siècle. Une stèle et l’un des wagons qui a servi à la déportation sont érigés au centre du jardin, pour ne pas oublier.
Cette sanctuarisation de la cité est-elle la conséquence de l’enclavement du centre de Drancy ? Bien sûr que non. À proximité, les cités Auffret et Marcel Cachin ont vu le jour dans les années soixante, avant de subir d’importants travaux de rénovation dans le cadre de l’ANRU. Des résidences de quatre ou cinq étages remplacent peu à peu les immenses tours.
Malheureusement si les choses bougent pour améliorer les habitations, cette zone urbaine sensible (Z.U.S) où 15.1% de la population dispose de bas revenus selon l’INSEE pâtit toujours de son enclavement. Selon l’Institut de statistiques, deux ménages sur trois disposent au moins d’une voiture à Drancy et 82% des Drancéens travaillent à l’extérieur de la ville, comme Béatrice rencontrée rue Sembat :
“Les transports à Drancy sont très bien et très nombreux…mais je dois reconnaître que je ne me déplace qu’en voiture.”
Idem pour Jean-Claude, serrurier, allée des Bengalis:
“disposer d’une voiture est primordial à Drancy. Qui plus est lorsque vous travaillez. En marchant rapidement, il vous faut 20 minutes pour accéder à la gare RER B de Drancy.”
Cette station, située au nord de la commune, est symbolique du paradoxe des transports drancéens. Tous les accès au réseau ferré qui permettent de connecter la commune au reste du maillage de la région se situent aux franges de la ville.
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Au Sud, le tramway T1 parcourt la N186, sur la limite communale entre Bobigny et Drancy. Au nord le RER B est accessible grâce aux gares du Bourget, de Drancy et du Blanc-Mesnil. Les critiques à l’égard du RER B sont nombreuses. Pour Pierre et Alice, étudiants d’une vingtaine d’année :
“il ne faut pas être en retard à la gare de Drancy, pour me rendre à Gare du Nord, il faut normalement 15 minutes à partir de la gare, je compte toujours un quart d’heure de marge, au cas où je raterai mon train !”
Daniel a décidé quant à lui de prendre le bus pour se rendre à Paris.
“C’est malheureusement le plus simple. Douze kilomètres me séparent de mon boulot. Je les effectue en deux heures. Je mets quasiment autant de temps pour rendre visite à ma famille en province !”
Une enclave au milieu d’un département en mouvement
Souvent considéré comme le parent pauvre de la région en termes de transports en commun, la Seine-Saint-Denis est la principale bénéficiaire du renouveau de la politique de déplacement francilien. D’ici à 2020, le 93 disposera de :
- trois extensions de métro (ligne 14, jusque Saint-Ouen, ligne 12, jusqu’Aubervilliers, ligne 11, jusque Rosny-sous-Bois),
- trois créations de lignes de tramway (l’extension de la T1, de Saint-Denis à Asnières et de Noisy-le-Sec à Val-de-Fontenay, et la création de deux nouvelles lignes, la T8 de Saint-Denis à Epinay et Villetaneuse, et la T5, de Saint-Denis à Sarcelles).
- La création de la ligne ferroviaire “Tangentielle Nord” Du Bourget jusqu’à Epinay,
- La ligne “rouge” du Grand Paris Express qui empruntera le tronçon du RER B,
- La ligne complémentaire du Grand Paris Express qui nécessitera la création d’une nouvelle gare Bobigny-Drancy.
En plein coeur de ce foisonnement de projet, Drancy apparaît alors comme une enclave où tout semble figé. Conscient d’être mise sur la touche, la municipalité a tenté de faire valoir ses arguments en proposant qu’une gare du Grand Paris Express soit à l’étude au niveau de la mairie. Une alternative qui permettrait de renforcer l’accessibilité du centre géographique de la commune, à moins de 300 mètres des Z.U.S. de la Muette, de Jules Auffret et de Marcel Cachin.
Las, peu de chances que la démarche aboutisse. Les Drancéens et Drancéenes pourront toujours se consoler en pensant que Maurice Leroy, alors ministre de la ville en 2011, a abondé dans le sens d’un désenclavement du centre de Drancy, en effectuant l’extension de la ligne 5 du métro jusqu’à la Mairie.
Mais pour cela, il faudra certainement attendre la fin de l’ensemble des projets cités ci-dessus, c’est à dire après 2025…
Rappel des transports desservant la zone
Bus :
143 : La Courneuve – Rosny RER
151 : Porte de Pantin – Bondy
251 : Bobigny-Picasso – Aulnay RER
684 : Porte de Pantin – PSA
Gares actuelles hors du quartier :
- Bobigny – Pablo Picasso (Métro 5)
- Drancy (RER B)
- Le Blanc Mesnil (RER B)
- Le Bourget (RER B)
Gares en projet hors du quartier :
- Bobigny-Drancy (Tangentielle Nord / Grand Paris Express