Un débouché maritime du Grand Paris par le biais du Bassin parisien
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Entretien avec Jacques Attali - Grand Paris maritime
Ancien conseiller de François Mitterrand, ancien président de la BERD, actuellement directeur de PlaNet Finances, Jacques Attali a été chargé par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) du Havre, de Fécamp-Bolbec et du Pays d’Auge, d’une réflexion sur un projet de Grand Paris maritime. À l’heure où nous bouclons ce numéro, le rapport de la commission qu’il présidait n’a pas encore été rendu public. Ses conclusions sont rassemblées dans un ouvrage, paru à la mi-mai 2010, intitulé Paris et la mer (éditions Fayard). Jacques Attali a accepté de répondre à nos questions.
Il s’agit avant tout de donner une dimension maritime au Grand Paris. On observe que tous les coeurs économiques dans le monde ont eu, et ont encore, un grand port maritime : Gêne, Bruges, Venise, Amsterdam, New York, Hong-Kong, Singapour…, car un port est un enjeu stratégique pour un pays. Aujourd’hui, 80% des marchandises transitent par la mer. Ne pas se doter des moyens de capter ce trafic, c’est se priver, au niveau national, de participer pleinement au commerce international. Mais il ne s’agit pas seulement de donner un accès maritime au Grand Paris, car l’ouverture sur les eaux profondes apportera bien plus à la capitale et au pays. Toute la Normandie se développera pour jouer la carte de l’économie maritime. Les universités de Rouen, Le Havre et Caen devront mettre en valeur leurs compétences pour participer à cette économie. Les filières liées à l’énergie – la Normandie raffine les deux tiers du pétrole utilisé en France – et à la logistique devront se structurer, et à terme, la vallée de la Seine deviendra un centre économique et culturel qui permettra à Paris de rester une ville-monde et de compter sur la scène internationale.
Les cinquante propositions s’organisent selon trois thématiques principales: le développement de l’économie des trois régions Île-de-France, Haute- Normandie, et Basse-Normandie pour faire de l’axe Seine une composante fondamentale du triangle Paris – Londres – Rotterdam, l’amélioration de l’offre portuaire et des services à valeur ajoutée apportés au niveau des ports, et enfin le développement des territoires, depuis la mise en cohérence des universités jusqu’à l’attractivité touristique et culturelle, en passant bien sûr par l’offre de transport tant pour les voyageurs que pour les marchandises. À ceci s’ajoutent deux propositions de prérequis de gouvernance. Le premier est la création d’un Établissement public d’aménagement de la Seine qui aura pour but de faire avancer le projet en actionnant les leviers tant locaux que nationaux. Le second est la création d’un Syndicat des régions qui facilitera la collaboration au niveau opérationnel plutôt qu’une fusion pure et simple des régions normandes.
Oui bien sûr. Toutes nos propositions mentionnent les acteurs qui Grand Paris maritime Ancien conseiller de François Mitterrand, ancien président de la BERD, actuellement directeur de PlaNet Finances, Jacques Attali a été chargé par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) du Havre, de Fécamp-Bolbec et du Pays d’Auge, d’une réflexion sur un projet de Grand Paris maritime. À l’heure où nous bouclons ce numéro, le rapport de la commission qu’il présidait n’a pas encore été rendu public. Ses conclusions sont rassemblées dans un ouvrage, paru à la mi-mai 2010, intitulé Paris et la mer (éditions Fayard). Jacques Attali a accepté de répondre à nos questions. doivent les porter, des estimations budgétaires lorsque c’était possible, et des éléments de planning. Les deux premières propositions visent justement à créer les conditions de gouvernance pour que l’ensemble du projet puisse être mené à bien. Il faut garder à l’esprit que le Canal Seine Nord ouvrira normalement en 2015 et que, dès lors, le port du Havre n’aura d’autre choix que de suivre la compétition des grands ports nordeuropéens. Il y a donc urgence à agir vite et à passer outre les divergences politiques.
D’une façon générale, le fait de réunir ces quatre villes autour d’un projet commun aura des effets très nets sur l’économie locale. Historiquement, la Normandie a un point de chômage de plus que la moyenne nationale. Aussi, en structurant les secteurs économiques les plus forts de la région – comme l’énergie, la logistique ou l’agro-alimentaire –, en développant les collaborations entre les universités et les entreprises, en créant des incubateurs spécialisés, toute l’économie régionale sera tirée vers le haut. Par exemple, l’amélioration de la mobilité entre les villes sera un effet concret majeur, et il ne s’agit pas seulement d’une ligne à grande vitesse. Nous formulons également des propositions sur le réseau routier, et surtout sur le trafic fluvial, qui reste plus écologique que tout autre mode de transport. Il s’agit véritablement de doter la vallée de la Seine d’un projet à long terme ambitieux, concret et réalisable. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue ce que sera l’avenir de ces villes si rien n’est fait. Les ports seront sur le déclin et toutes les marchandises viendront du Nord, l’économie locale se renfermera sur elle-même, et, si la ligne à grande vitesse finit par se faire – ce qui est peu probable si on ne la justifie pas par un vrai projet de développement tel que celui que nous proposons – Caen, Rouen et Le Havre deviendront des villes dortoirs avec des perspectives peu radieuses.